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Paysage du Delta, le règne de l"eau et de l"herbe

Paysage du Delta, le règne de l’eau et de l’herbe

Source : Jean GALLAIS (1967), Le delta intérieur du Niger, étude de géographie régionale, IFAN-Dakar, 2 tomes, 621 pages, annexe photographique, photographie 1.

Mentionnée dans un chapitre consacré au « paysage naturel, les éléments de nature » introduisant une thèse d’allure classique, cette photographie, à l’intitulé maintes fois repris, pose de façon subtile les bases d’une « révolution de l’intérieur » que Jean Gallais aura fait opérer à la géographie régionale tout au long cette étude. Le regard rénové qu’il porte sur les descripteurs classiques de la géographie dans une architecture convenue en est le signe avant-coureur. La justesse des mots employés pour décrire cette « association banale de l’eau et l’herbe » (p. 8) bouscule la géographie jusque dans ses fondements. Cette nature plastique fuit et se dérobe constamment devant les outils du géographe auxquels elle ne se soumet pas. Métamorphosée dans ses temporalités et dans ses spatialités, la nature du Delta impose au géographe de reconsidérer le regard qu’il porte sur elle. « Cette association dans la richesse de l’eau et de l’herbe, nous l’avons saisie d’emblée, mais interprétée bien différemment. Dans le survol, gardant la vision du grand fleuve majestueux de Ségou, nous l’avons appelée désordre, sénilité, asphyxie de l’eau sous l’herbe. Au ras du sol l’homme apprécie ce gaspillage, cette dilution généreuse de l’eau, la fraîcheur que l’air lui emprunte et l’abreuvement toujours aisé qu’elle permet. L’herbe ne lui parait point comme l’ennemi de l’eau, mais comme son associée, lui devant sa verdoyante opulence, lui accordant en échange une ombre protectrice» (p. 8). Ce décalage entre « les mots et les choses » oblige le géographe à prendre en compte les métamorphoses de la nature et sa charge de significations fondant les actions de l’homme du terroir. Jean Gallais ouvre la voie d’une approche culturelle de la nature tant « on ne peut comprendre ce que les hommes ont fait d’une certaine région sans savoir l’idée qu’ils ont des eaux, de la plaine, de la végétation, des saisons » (p.27)

[Extraits de la thèse]