Le marché de Mopti. Vue générale de la darse. Au fond les magasins à poisson.
Source : Jean GALLAIS (1967), Le delta intérieur du Niger, étude de géographie régionale, IFAN-Dakar, 2 tomes, 621 pages, annexe photographique, photographie 34.
« Pour comprendre l’étonnante bigarrure des populations du Delta, la diversité de leurs genres de vie et de leur production, bref les traits géographiques essentiels de la région, le marché de Mopti est la plus instructive des démonstrations. (p. 534) ». Par ces quelques mots Jean Gallais pose les conditions d’une recherche sur Mopti hors de toute considération monographique. L’entrée par le temps soutient la démarche. « Chaque semaine pendant 48 heures Mopti est animé par une fièvre mercantile particulière, celle du marché hebdomadaire qui se tient officiellement le jeudi mais qui commence dès le mercredi (p. 528)». Lieu éphémère, inscrit dans un temps cyclique, le marché hebdomadaire pourrait passer pour insaisissable ou hors de portée d’une géographie régionale privilégiant les éléments de durée. Pourtant, tant par l’étude de son contenu sociologique que par celle de ses structures spatiales et économiques, Jean Gallais, qui excelle dans l’art de peindre le théâtre social, parvient à faire du marché hebdomadaire de Mopti un objet géographique essentiel. Il faut dire qu’à lui seul il provoque un des rassemblements d’hommes le plus important du Delta intérieur.
« Trois forces inséparables ». Le marché hebdomadaire présenté ci-dessus associé au quartier « le Commerce » et au négoce de poisson font de Mopti une des plus importantes métropoles commerciales. Alors qu’une peinture morphologique ou économique voire sociale aurait valorisé les fragmentations internes de la ville, Jean Gallais choisit d’appuyer sur les éléments qui lient les quartiers, les échelles géographiques, seuls capables d’expliquer la pérennité de la ville et qui, au final, assurent un lien d’ordre temporel. Ainsi, Mopti comme d’autres villes d’Afrique de l’Ouest, doit son impulsion commerciale des années 1945 à une situation de rupture de charge fleuve-route, réactivée par l’association pinasse-camion garantissant la cadence des flux commerciaux. Pourtant, ce sont surtout des facteurs régionaux, en particulier le commerce du poisson qui expliquent la pérennité de la ville. « De la trilogie commerciale, celui-ci (le commerce de poisson) est le véritable moteur économique ». Produisant pour moitié la valeur du marché, il induit surtout nombres d’activités qui dynamisent le marché de détail, assurant ainsi les relations spatiales internes à la ville. Le commerce de poisson et le marché de détail qui s’épaulent pour accroître l’attirance de Mopti assurent à leur tour les articulations scalaires. « L’attraction de Mopti dépasse les limites du Delta intérieur et en particulier il exerce à plein sur le pays Dogon et la pays Bwa à l’est et au sud est (p. 534) ». Enfin, le commerce de poisson permet à Mopti de renouer avec des structures spatiales ancestrales d’orientation Nord-Sud, abandonnées par le commerce de traite au profit de liaisons E-W (Bamako-Dakar). Cette réinscription de Mopti dans des raisons africaines sur la base de produits africains semble à Jean Gallais les meilleurs présages au développement.