Les troupeaux sur le bourtol. A travers le Kounari

Source : Jean GALLAIS (1967), Le delta intérieur du Niger, étude de géographie régionale, IFAN-Dakar, 2 tomes, 621 pages, annexe photographique, photographie 21.

La question pastorale est centrale à l’étude minutieusement menée par Jean Gallais. Elle relate l’articulation paradoxale d’une sédentarisation progressive des Peuls combinée à l’exploitation d’un cheptel traditionnellement nomade. Cette apparente contradiction repose sur des arrangements sociaux d’une grande subtilité très clairement démontrés par Jean Gallais.

D’une enquête rendue difficile par « la méfiance du Peul à l’encontre de toute curiosité étrangère qu’il soupçonne inspirée des motifs fiscaux ou administratifs (p. 361)», Jean Gallais dégage l’organisation extrême, la régularité spatiale et temporelle parfaite et l’adaptation fine des rythmes pastoraux aux rythmes saisonniers du Delta. Animés de mouvements alternativement centripètes puis centrifuges, d’ampleur et de durée spécifique aux caractéristiques du troupeau, les mouvements de transhumance dispersent et rassemblent les animaux selon un système d’itinéraires (bourtol) extrêmement précis. Trois types de troupeaux (dounti, benti, garti) constitués selon les potentialités physiques des animaux irriguent ce système d’itinéraires selon un régime de transhumance adapté, du proche et de courte durée à la transhumance longue et éloignée dite « transhumance extérieure (p. 365)». A l’heure du départ, chaque propriétaire ventile son propre cheptel dans les troupeaux ainsi définis et en transfert la responsabilité au « poulo bogêdyo » en charge de la transhumance, Peul issu du groupe le moins métissé par la sédentarisation. Chaque propriétaire reconstituera son troupeau à l’issue de la transhumance.

La photographie présente le retour des troupeaux partis pour la transhumance la plus longue. Ils rapatrient le village dès d’octobre, à la fin de la décrue. Ce relâchement, spécifique de la transhumance pratiquée dans la partie NE du Delta résulte aussi de l’effet de nombre (egguirgol) dû à la convergence des troupeaux. Il n’est pourtant qu’apparence car tous attendent la fin de récoltes des mils signalée par le chef traditionnel et qui coïncide à la période de reverdissement des Acacia albida.

Bourtol, Acacia albida et troupeau de transhumance signent la constance spatiale (« la voie pastorale est le système artériel du leydi Macina » (p. 364)), le rythme calendaire et l’organisation collective qui rendent possible l’apparent paradoxe de la sédentarisation humaine et du nomadisme animal.

[Extraits de la thèse]